Mathieu Lehanneur, éclaireur du design
À la lumière de ses réflexions, Mathieu Lehanneur nourrit l’étincelle d’une création qui embellit le quotidien. Choisi pour façonner la torche des Jeux olympiques de Paris 2024, le designer de l’année selon Maison&Objet sonde l’émotion et les sens pour donner corps à des objets remarquables.
De la rencontre avec vos clients et collaborateurs jusqu’à la réalisation de vos créations, parlez-nous de votre processus créatif.
Tout se déclenche par une phase d'introspection profonde, à ce stade, je m'abstiens d'utiliser tout outil, même pas un crayon. Je ferme les yeux pour me projeter dans la perspective d'autrui, et non la mienne, car celle-ci importe peu. La véritable création commence en visualisant l'impact souhaité sur les émotions et les pensées des personnes, avant de matérialiser cette vision.
Ce processus est intrinsèquement solitaire. Je pose des questions à mon cerveau, qu'elles viennent de moi ou d'un client. Puis je laisse mon esprit travailler librement. Les idées mûrissent avec le temps, certaines se développent, tandis que d'autres s'évanouissent. Ce qui importe, c'est de nourrir celles qui ont le potentiel de croître. Chaque projet devient ainsi une partie intégrante de ma vie pour plusieurs années. Chaque création porte en elle une responsabilité : celle d'apporter quelque chose d'unique et de significatif au monde ; sinon, elle ne devrait pas dépasser le stade de l'idée.
Ci-contre : La table, le banc et le chevet Inverted Gravity, donnent l’illusion de la vulnérabilité.
Chaque création porte en elle une responsabilité : celle d'apporter quelque chose d'unique et de significatif au monde.
Ci-contre : Matérialiser l’onde liquide : le génie de la table en marbre Ocean Memories.
Vous avez créé la torche et la vasque olympiques des Jeux de Paris 2024.
Ce fut un défi unique. Il s'agissait de créer quelque chose qui serait vu par près de 4 ou 5 milliards de personnes à travers le monde. Cette réalisation devait refléter une certaine ambition ou exigence française, caractérisée par le désir de faire les choses différemment, sans nécessairement prétendre faire mieux. Cette approche est typique de l'esprit français, parfois admiré, parfois irritant, mais cherchant toujours à innover.
Pour la torche olympique, j'ai dû respecter certaines contraintes fonctionnelles inévitables, telles que la taille, le poids, et la nécessité d'une flamme visible. Toutefois, j'ai voulu introduire une innovation en créant la première torche absolument symétrique, symbolisant l'égalité, ce qui m'a posé des défis techniques significatifs. L'idée était de marquer un avant et un après Paris 2024 en apportant quelque chose de distinct et de mémorable à cet événement.
Quelques mots sur votre vision de l’habitat de demain ?
Je suis réticent à parler du futur, car je trouve cela prétentieux et facile. Cela sous-entendrait que je sais ce que l'avenir nous réserve et quels seront nos besoins, une prétention injustifiée à mon avis. De plus, il y a déjà tant à faire dans le présent. Par exemple, mon projet Outonomy présenté à Maison&Objet est souvent perçu comme futuriste, mais pour moi, il répond aux besoins actuels. Les technologies existent aujourd'hui pour produire de l'énergie durablement, récupérer l'eau de pluie, et le désir de renouer avec la nature est plus fort que jamais, surtout après la pandémie de Covid-19.
Cependant, le présent est souvent vu à travers le prisme de la nostalgie, ce qui fait que toute innovation semble appartenir au futur. Mais Outonomy est une réponse concrète aux préoccupations actuelles, offrant une vision de l'habitat idéal adaptée aux réalités contemporaines. Bien sûr, cette vision n'est pas universelle; certaines personnes préfèrent vivre différemment, et c'est leur droit. Mon rôle est de donner forme à des idées émergentes, offrant des solutions à ceux qui cherchent à changer leur mode de vie, leur mode de consommation, ou leur manière de produire.